Morgane
Camille
Lya
Ce livre raconte les pensées concernant l’écologie selon le point de vue de plusieurs acteurs, qu’ils soient auteurs, journalistes, libraires ou militants.
Il est question notamment de ravages faits aux écosystèmes, de l’indifférence ; il est question de la censure des médias, des lois compliquées à faire appliquer, des mouvements et pratiques alternatifs qui font leur retour ou leur apparition et entraînent une évolution générale des usages ; il est question de causes communes, qu’elles soient sociales, politiques, axées sur le féminisme, la justice, la littérature ou l’économie ; mais plus que tout, il est question d’environnement, de Nature, du monde et de son histoire.
Ce qu’on peut retenir de ce livre c’est que les questions écologiques, malgré le fait qu'elles soient complexes, sont au premier plan aujourd’hui et s’imposent comme une évidence. L’écologie est une révolution de la pensée et du fonctionnement humain qui demande du temps dans une situation plus qu’urgente. Elle a l’ambition de nous amener à comprendre que l’interdépendance des vivants - qu’ils soient humains ou non-humains - est nécessaire et durable, mais pour cela, il faut tout repenser.
Au fil des entretiens on remarque des convergences dans les discours de personnes pourtant différentes et on constate surtout que le sujet, d’une grande complexité, est en réalité impossible à définir car il existe de multiples façons d’habiter ensemble, d’habiter “un sol commun”. Et justement, ce livre n’est pas là pour définir et présenter une facette de l’écologie, il est là pour révéler sa complexité, sa diversité et sa dimension globale et transversale.
Ce qui ressort beaucoup des multiples entretiens retranscrits dans le livre c’est l’émergence de sensibilité écologique et le retour à la terre dans les années 70. Avec l'émergence de cette sensibilité s’accompagne la montée d’une écologie politique, relativement déconnectée des avancées scientifiques mais très liée à des luttes politiques (guerre froide par ex) et des reconfigurations de la pensée (ce que l’on croyait être bon devient mauvais). L’urgence de l’écologie - comme le dit François Léger, chercheur en agroécologie - serait de reconnecter les gens aux autres vivants, là où on rencontre une incapacité à développer une pensée politique et morale sur le sujet puisque nous avons réduit tout le réel en objets,
en utilité immédiate et en valeur marchande (un exemple : l’agriculture industrielle). Il est d’ailleurs dit qu’il est difficile de concilier économie capitaliste - dont le mantra est la production rapide à moindre coût - et écologie - qui se veut réfléchie - car ça donne lieu à une destruction créatrice.
Pour finir, on pourrait retenir cette phrase d’Anne Simon, critique littéraire : “on ne réside pas seulement dans le monde, mais on le configure”, et en prendre conscience entraîne un changement de pensée, nécessaire, mais surtout long et complexe.
Morgane
Résumé
Un sol commun - Lutter, habiter, penser,
dirigé par Marin Schaffner, éd. Wildproject, mai 2019, 180 pages
Camille
Reclaim, recueil de textes écoféministes.
Introduction de Emilie Hache.
Postface de Catherine Larrère.
Ed. Cambourakis, novembre 2016, 416 pages.

Résumé
Reclaim est un recueil de textes écoféministes choisis et présentés, via l’introduction par Émilie Hache, une philosophe française. La postface de ce récit à, quant à elle, été écrite par Catherine Larrère, professeure de philosophie à La Sorbonne.

L’écoféminisme, qu’est-ce que c’est ?

C’est un courant philosophique, éthique et politique né de la conjonction des pensées féministes et écologistes, dans les années 80. Contexte particulièrement important puisque nous sommes, à cette période, en pleine guerre froide. Course à l’armement nucléaire, publication du rapport du Club de Rome, déforestations massives sur plusieurs continents, famines sur le continent africains, les femmes de cette époque ont peur non seulement pour leur vie mais aussi pour leur terre, leur planète et leur avenir. L’écoféminisme, c’est donc croire à une corrélation entre le système de domination et d’oppression des femmes par les hommes et le système de surexploitation de la nature par les humains.

Pour Hache, cela s’explique assez facilement : la femme a toujours été assimilée à la Nature. En 1692, quiconque, de sexe féminin, vivant dans les bois, étant proche des animaux, se soignant par les plantes, était accusée de sorcellerie puis exécutée sur la place


publique. Ainsi, depuis de nombreuses années le mot ”nature”, féminin a l’origine, à davantage été liée à une forme de féminité et, à l’époque, de sorcellerie. Il n’est donc pas surprenant de constater une certaine méfiance, un scepticisme à l’égard des changements climatiques actuels lorsque l’on sait que la nature a longtemps été diabolisée pour avoir été un refuge, une aide aux femmes de cette période.
La société patriarcale dans laquelle nous vivons, dont les chiffres parle d’eux même quant à la violence que subissent les femmes au quotidien et l’impact désastreux que nous avons sur la nature depuis de nombreuses années maintenant, créer un lien, une ressemblance, une intimité entre les femmes présentes dans les pages de ce recueil et la nature avec un grand N.


L’écoféminisme, un courant critiqué ?

L’écoféminisme est un courant de pensée qui a rassemblé, en son sein, de nombreuses femmes toutes plus différentes les unes des autres. Ainsi, dans ses idées, ses écrits, ses combats, l’écoféminisme n’est pas un courant homogène.
Féministes extrémistes, activistes, plus flexibles, il n’y avait et il n’y a toujours pas de “portrait de la bonne écoféministe”. Cependant, et bien que diamétralement opposées pour certaines, ces femmes se sont réunies

pour la même cause : défendre leurs droits et tenter, par tous les moyens, de freiner l’impact humain sur la nature.
Et c’est cela qu’on leur reproche, leurs différences. On leur reproche d’avoir créé un mouvement acceptant et réunissant des femmes de divers horizons, possédant des idées de divers horizons et dont les convictions différaient selon la personne. Mais on ne s’est pas contenté de critiquer l’écoféminisme pour sa disparité, on l’a également critiqué pour ses écrits. En effet, la majorité de ces textes sont empiriques et presque hybrides. À cheval sur plusieurs disciplines, de style et de nature variées, mélangeant à la fois théorie, poésie, thérapie, histoire, fiction, politique etc… ils ont, avec le temps, été discrédités par de nombreux chercheurs, scientifiques et historiens dont l’aspect trop peu académique et “sérieux” dérangeait tout particulièrement.

Ainsi, ces éléments qui font la richesse et la diversité du mouvement écoféministe font également de lui l’un des courants de pensée le plus violemment critiqué.
Cependant, il est une question à se poser : l’écoféminisme aurait-il été aussi critiqué, discuté et questionné si ses enjeux politiques, écologiques et sociaux n’avaient pas été féminins ?

Résumé
"Freshkills, Recycler la Terre"
Lucie TaÏeb, 2019
Éd. Pocket, 129 pages.
Lya
Écrivaine française et traductrice, Lucie Taïeb est depuis 2011 maîtresse de conférences en études germaniques à l'université de Bretagne Occidentale.
Depuis plusieurs années, elle porte ses recherches sur la représentation et la place des déchets dans nos sociétés contemporaines. C'est également le sujet de ce livre.

Entre l'essai et le récit documentaire, elle mêle recherches - sur un lieu particuliers : Freshkills, ou la plus grande décharge de New York, Staten Island - et écriture poétique, voir intime, en partageant ses propres sentiments et expérience : puisque le livre suit son enquête de terrain, ses sentiments face à la décharge.
Ouvert en 1948, et fermé en 2001, la décharge a accueilli plus de 29000 tonnes de déchets par jour en l'espace de 50 ans...
Ce qui est intéressant, c'est le projet de la ville de faire de cette décharge un tout autre lieu : un parc, ouvert à tous, familles, enfants, un lieu "aseptisé", neuf, en dépit de son passé.
Et cela interroge l'autrice sur de nombreuses questions actuelles, sociétales et écologiques : Quel est notre rapport à l'hygiène, quel est notre rapport au "sale", peut - on recycler la terre elle-même que l'on a utiliser comme tombe pour ces tonnes de déchets, enfouis à son plus profond ? Ne vivons nous qu'en surface ?



On se lance alors à la découverte de Freshkills la décharge qui n'existe plus, à Freshkills, le parc en devenir. Les différents chapitres, rythmés à la fois par le voyage, l'analyse d'une histoire du lieu, mais également à travers des pages poétiques en italique, par les émotions d'une humaine face aux déchets et aux questions qu'ils nous posent - qu'ils lui posent d'autant plus qu'elle les voit pour de vrai, ou du moins leur lieu de mort.

Le livre n'apporte pas de solutions, mais simplement une réflexion autour de ce sujet. Je ne pense pas qu'il invite non plus de manière engagée à revoir notre consommation génératrice de déchets. Il invite, de façon philosophique, à se poser des questions sur le déchet lui-même et sur les problématiques qu'il engendre dans notre société :
Dans quel monde vivons nous, lorsque les déchets sont absents de notre champs de vision et pourtant, omniprésent.
Le livre s'ouvre sur des premières pages sombres, à Berlin. Il y a tout un jeu au long du livre sur la comparaison des tombes fantômes des millions de victimes juives en Allemagne - sujet de sa thèse de 5 ans - et de ces déchets. Inspirée par "Outremonde" de Don DeDillo, elle est interpellée par ce lieu, considéré longtemps comme la plus grande décharge du monde.

"Les déchets sont l'envers de l'histoire, les cadavres dans le placard d'une société lisse, prospère, que rien ne n'atteint, où tout est toujours neuf, chaque jour un jour nouveau, ne portant ni trace ni stigmate de ce qui a pu avoir eu lieu la veille." Don Dillo
Ces quelques phrases, cités par l'écrivaine même, me semblent être à la fois le point de départ et la conclusion de son étude.
"La question du devenir de nos ordures ménagères est légère, dans le sens où aucune vie n'est en jeu, aucune mort, mais elle est symptomatique de l'aveuglement volontaire dans lequel nous vivons." (page 15)

Nous suivons alors, à travers ce livre, le voyage de l'autrice, qui le décompose en une préface et une post-face, mais surtout huit chapitres : Éden, Déchoir, Allégeance, Freshkills Park Tour, Hantise, Les jardins Suspendus, Revenir, Mémoire contre Mémoire.